Écrire, douter et sourire

Depuis décembre 2022, lors des goûters gastronomiques de l’Atelier Auckland, je partage avec les convives des extraits de mon récit Douter à en sourire; prisme biographique où les lignes du temps s’arcboutent pour présenter d’exquis personnages qui ont marqué ma vie. 

Écrire est un acte éminemment intime, solitaire. Ouvrir ainsi mon processus de création me semblait au premier abord un contresens. Voir, un risque inutile mettant en péril l’acte même de l’écriture. Mais, tous ces personnages, dont les noms s’affichent un à un en tête de ces petits chapitres, avaient une envie folle de sortir de leurs pages pour se retrouver eux aussi à cette table accueillante, que tous et toutes auraient aimé fréquenter si elle avait existé à l’époque où ma vie a croisé la leur. J’ai résisté quelques temps et puis, finalement, ils ont gagné leur invitation à table. Après tout, n’est-ce pas une des raisons d’être de l’Atelier Auckland que d’offrir à nos convives un doux plongeon au coeur de la genèse d’une création? 

Ainsi, à chaque goûter, deux ou trois personnages s’attablent, quelques minutes, pour raconter des bouts de vie, de ma vie, qui résonne en écho à celle des convives. Un fabuleux ballet construit d’allers-retours se met en place, rayonne, et nourrit mon écriture pour les jours suivants.

Me mettre en bouche ces mots fraîchement écrits, pour les livrer au public, est devenu au fil des mois une phase clé de ma création. Résisteront-ils à l’oralité? Ce processus me ramène au prémisse même de ma carrière, du temps où à peine écrits mes monologues étaient offerts au public. Une boucle qui se boucle? Probablement. 

« Ma matante Florence, ne foulait que rarement le sol de notre demeure. Une fois de temps en temps seulement. Quel feu d’artifice! Une québécoise devenue américaine comme des milliers de québécois expatriés aux Étais-Unis, à cette époque, pour participer au grand rêve Américain. En bonne immigrante, elle était plus américaine que les américaines. Le stéréotype de la femme des magazines de l’époque. « Made in USA. » Elle arborait une coiffure, à mes yeux, d’une extravagance et d’une beauté sans nom ; une tour crêpée, lissée en une spirale résistant à tout vent. Un rouge à lèvre hurlant de sensualité qui laissait, sur ses nombreuses cigarettes et ses verres d’alcool, la trace de ses lèvres. Et un accent. Oh! combien savoureux. Chaque phrase entrecoupée d’expressions anglophones, véritable poudre de perlimpinpin, créant la magie! »

Je ne sais où me mènera cette aventure, mais comme me disait Monsieur Pitou: « inquiète toi pas avec des affaires de même! ». Alors je ne m’inquiète pas et laisse les mots émerger et me surprendre ligne après ligne. Toute une aventure que de douter jusqu’à en sourire! 

Sylvain